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BURKINA FASO - Novembre 2008

LES MAUX DE DIALYSE AU PAYS DES HOMMES INTEGRES
Présenté par
Buinoud Béatrice
Depiccoli Patricia
Infirmières à L’AURAL

Unité d'Autodialyse Ambilly-Annemasse

 
Introduction
Infirmières libérales au centre d’autodialyse d’Ambilly (Haute-Savoie), nous sommes parties quinze jours au Burkina Faso en novembre 2008.
Ce projet a pu se réaliser grâce à une proposition de JP Garcia-Perez (président de l’association JIPSA Solidar, plate-forme d’aide humanitaire) diffusée dans “la lettre de l’AURAL” de mai 2008.
Lors d’un précédent séjour au Burkina, JP Garcia-Perez a rencontré le médecin chef de l’unité de dialyse et néphrologie de l’hôpital de Ouagadougou. Le professeur Lengani lui a fait part de son désir de recevoir des infirmières françaises pour une remise à niveau de son personnel sur la prévention des infections et la gestion des fistules artérioveineuses. Espérant ainsi remotiver son équipe
 

Mission du 29 octobre au 13 novembre 2008

 

L'hopital de Ouagadougou

Le Burkina Faso  

• Le Burkina Faso (signifie pays des hommes intègres) est un pays d’Afrique de l’Ouest, c’est l’avant-dernier pays le plus pauvre du continent africain. Sa superficie est la moitié de celle de la France. Il compte treize millions d’habitants et 80% de la population est rurale. L’espérance de vie est de 48 ans. La mortalité infantile s’élève à 105 ‰.

• Au Burkina, il n’y a pas de politique de santé en hémodialyse. Des programmes existent contre le paludisme, le sida... alors que la dialyse est une spécialité inconnue du grand public. Elle coûte cher et beaucoup de gens meurent faute de soins (dix décès par mois de coma urémique dans le service de néphrologie de l’hôpital plus tous ceux qui ne sont pas détectés car il n’existe qu’une unité de dialyse pour tout le pays avec deux néphrologues)

 

 
Situation au Burkina Faso
 

A) L’accueil

 
Nous partons avec très peu d’informations. Nous savons que nous serons nourries et logées par l’hôpital et qu’une cinquantaine de patients dialysent deux fois par semaine. Dans nos bagages, nous emportons nos expériences, des supports élaborés par V.Perrot, notre responsable de formation et des livres et revues donnés par l’AFIDTN.
À l’aéroport, nous sommes prises en charge et conduites vers un hébergement provisoire. Le lendemain, nous découvrons le paysage : terre rouge, poussière et pollution. La circulation est dense où se mêlent quelques voitures, bus ou camions, beaucoup de vélos et de motos et quelques ânes tirant des charrettes.
Nous sommes chaleureusement accueillies par l’équipe soignante de la dialyse. Pleines d’enthousiasme, nous nous sommes rapidement heurtées à la dure réalité de la vie au Burkina Faso où se côtoient la plus grande misère et un étalage de richesses où l’on devine parfois la corruption.
 

La circulation

La terre rouge

 

B) Observation

 

1. L’organisation de la dialyse

 
Dès notre arrivée, se posent des problèmes d’organisation : pas de logement prévu, pas de programme élaboré, difficultés pour rencontrer l’équipe soignante au complet.
De plus, nous arrivons à une très mauvaise période. Dans ce service d’hémodialyse déjà très privé du minimum de confort, se rajoute une énorme préoccupation due à la rupture des consommables (dialyseurs, lignes, sets de branchement...). Les patients ne dialysent qu’une fois tous les six jours depuis deux mois. Alors la formation va être difficile! Nous ressentons une forte inertie qui nous pèse les premiers jours. Nous qui sommes habituées à agir grâce aux moyens mis à notre disposition, nous devons subir le manque et l’inaction engendrée.
 

2. L’hygiène

Nous observons les locaux, le matériel, les pratiques et nous constatons un énorme défaut d’hygiène par manque de matériel ne serait-ce que savon ou désinfectant. Loin de nos pratiques soignantes, nous sommes un peu déstabilisées, car ici, il faut économiser, couper les compresses en quatre, utiliser une seringue pour purger, la même pour l’héparine. Le lavage des mains est très rare.

3. Les membres du personnel

Les infirmiers semblent démotivés, ils souffrent d’une non-reconnaissance de leur spécialité. Ils ont tous reçu une formation en France; à Montpellier ou à Clermont. Ils connaissent toutes les bonnes pratiques, mais on assiste à une dérive des rôles de chacun. Les filles et garçons de salle ont des attributions qui dépassent leurs compétences.

4. Les dialysés

En ce qui concerne les abords veineux, certains sont très développés, des patients portent les cicatrices de multiples créations de fistules et de poses de cathéters. Lors des problèmes de ponction, le clic-clac est pratiqué faute de lignes d’uni poncture. Les circuits coagulent. Les dialysés sont très anémiés. Ils ne reçoivent du sang que s’ils trouvent des donneurs.
Certains cathéters fonctionnent mal. Ils sont aussi en rupture et ne peuvent être changés. Ils sont branchés sans précaution particulière bien souvent.
 

Problèmes rencontrés dans le centre de dialyse
À sa demande, nous rencontrons Casimir, le secrétaire de l’association des dialysés (ABUDIR, association burkinabè des dialysés et insuffisants rénaux). Il évoque plusieurs problèmes :

A) Le cadre

Un mauvais entretien des locaux, les pannes fréquentes des générateurs, les régulières ruptures de consommables entraînent un état de sous dialyse (quatre décès au mois d’octobre) et engendrent des difficultés au maintien d’une vie professionnelle.
 

B) La situation des malades

1. L’aspect financier

La plupart des patients évoluent dans des conditions socio, psycho économique précaires. Les problèmes financiers engendrés par la cherté des soins causent des souffrances au niveau de la famille. Une séance de dialyse coûte 71800 FCFA ; la création de la fistule 200000 FCFA. Tous les patients doivent fournir systématiquement deux paires de gants, deux grandes compresses, une seringue, le sparadrap, deux flacons de sérum et l’héparine. Cela représente un coup de 8000 FCFA à chaque séance. Tous les médicaments, examens sont à la charge du patient.
Ne pouvant faire face ils ne peuvent plus payer de telles sommes à l’hôpital qui met du temps à régler son fournisseur qui tarde alors à livrer. C’est pourquoi ces situations de ruptures de consommables reviennent régulièrement. Ils aimeraient trouver un palliatif afin de ne pas avoir à supporter toutes ces dépenses. Ils vivent dans un stress permanent pour trouver l’argent pour se soigner et survivre.

2. L’accès aux soins

Un autre obstacle à la prise en charge des insuffisants rénaux en dialyse est l’éloignement entre le lieu de résidence des malades et l’hôpital de Ouagadougou. Mr Traore vient de Bobo-Dioulasso, la deuxième ville du pays pour réaliser ses séances d’ hémodialyse. Cela représente un temps de transport de cinq heures à aller et au retour, en voiture ou en bus. Certains ont quitté leur travail et leur ancien lieu d’habitation pour se rapprocher de Ouagadougou et de l’hôpital.

C) Le personnel soignant

Le personnel manque de générateurs, de moyens, d’effectifs pour accueillir les patients en nombre croissant.

D) Les projets

1. Le centre de Prince Sultan pour dialyse

À notre grande surprise, nous apprenons qu’au courant de l’année 2009, s’ouvrira, à côté de l’hôpital, un centre d’hémodialyse financé par un prince Sultan. Étonnant contraste entre le luxe inadapté de ce bâtiment et les conditions dans lesquelles nous avons travaillé les jours auparavant! Pourtant les patients et le personnel ne semblent pas enthousiastes quant à l’avenir de ce nouveau centre. D’une part, le matériel et les consommables ne seront pris en charge que la première année, ensuite c’est l’incertitude. D’autre part, le confort et le luxe semblent démesurés par rapport à leurs besoins. Et enfin, le personnel formé ne sera pas en nombre suffisant pour assurer son fonctionnement. Un certain flou règne autour de ce projet.
 

2. Un dessein porteur d’espoir

L’association APRODIB (association pour la promotion de la dialyse pour les Hauts-Bassins) souhaite mettre en place une autre unité de dialyse à Bobo-Dioulasso mais elle rencontre encore plusieurs problèmes : la présence nécessaire d’un néphrologue sur place et le financement de l’approvisionnement en consommables. Elle a pu créer un réseau d’entraide important avec des associations françaises pour récupérer des générateurs et les acheminer dans le pays. Les membres ont beaucoup d’espoir pour la réalisation de ce projet.

Nos conseils et nos recommandations
Les propositions que nous faisons concernent la pratique des soins infirmiers. Il ressort essentiellement, en dehors du manque de moyens, un manque de cohésion au sein de l’équipe soignante. Il n’y a pas de dynamique d’équipe, chacun agissant de son côté.
Lorsque nous rencontrons le professeur, une semaine après notre arrivée, nous le trouvons fort conscient des problèmes qui existent. Mais ce discours n’est pas tenu devant l’équipe au complet et nous le déplorons.
En nous adaptant à la situation, nous essayons de voir avec le peu de matériel ce qui peut être fait pour respecter au mieux les bonnes pratiques. Nous essayons de donner des conseils ponctuels à chaque soignant. Nous les encourageons à mettre en commun l’ensemble de leurs connaissances afin d’uniformiser leurs pratiques.
Nous insistons :

A) Au niveau de l’hygiène

Sur :
- l’importance du nettoyage des locaux (sols, murs, lavabos, fauteuils...)
- le lavage de bras de la fistule, au savon, en expliquant au patient pourquoi
- le lavage de mains des soignants
- le montage des lignes qui est du rôle infirmier
- la mise en désinfection chimique qui est obligatoire avant de commencer la séance et entre chaque patient

B) Au niveau de la prise en charge du patient

Sur :
- la limitation des va-et-vient dans la salle de dialyse et si possible l’isolement les cathéters dans la petite salle
- l’importance d’une ponction de qualité pour préserver la longévité de l’abord artérioveineux et éviter les problèmes de recirculation (seule l’aiguille artérielle peut-être placée dans un sens ou dans l'autre)
- la purge du circuit avec au moins 1l de sérum
- la vitesse de restitution à 150 (comme au branchement)
- les problèmes de coagulation en respectant les protocoles et en gardant à l’esprit que l’héparine standard et l’HBPM ont des durées d’action différentes
- la diététique: les aliments ne devraient être consommés que la première heure de dialyse
Conclusion
Le problème semble d’abord politique. Tant que l’hémodialyse ne sera pas mieux connue des autorités et qu’aucun programme de soutien ne sera mis en place, la situation restera précaire. Les dialysés ainsi que leurs familles souffrent car cette maladie les épuise physiquement et financièrement. Ils ont besoin d’aide tant financière que morale.
Le souhait de tous les patients est qu’on fasse connaître leur situation en France, à tous ceux qui sont touchés de près ou de loin par les maux de la dialyse
Un travail d’équipe doit être réalisé au niveau des soignants pour élaborer des protocoles et les mettre en application. Quelques jours avant notre départ, le service a finalement reçu une commande qui va leur permettre de reprendre un rythme de dialyses de deux fois par semaine... jusqu’à la prochaine rupture...
Nous étions parties au Burkina Faso avec nos idéaux, notre matériel “high-tech” (ordinateur portable, appareil photo...), notre envie d’aider. Nous avons l’impression de ne pas avoir atteint notre objectif de départ. Mais nous nous sommes rendu compte qu’il était avant tout nécessaire d’établir un premier contact avec tous les membres du personnel pour ensuite pouvoir entamer de la formation.
Par ailleurs, sur le plan humain, nous avons fait des rencontres exceptionnelles. Nos relations ont été d’une très grande chaleur et les patients comme les soignants attendent que nous revenions l’année prochaine. Cette expérience a été très riche d’enseignements avec une importante remise en question de nous. Nous sommes revenues avec un regard différent. Dès notre retour en France, nous avons pu envoyer un colis avec des compresses, savon, pansements... à l’association des dialysés par l’intermédiaire des Scouts de Cluses qui vont distribuer du matériel dans ce pays courant février 2009.
 

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